On me demande souvent si j’écris aussi pour les adultes.
Pendant longtemps, je répondais que non, que cela m’intimidait
énormément, que je ne saurais pas quoi raconter, que les préoccupations des grandes
personnes, d’une façon générale, m’ennuyaient. Quand on se raconte des
histoires, on le sent quelque part au fond de soi, vous avez remarqué ?
Depuis quelques années, cette question me mettait de plus en plus mal à l’aise.
Chaque fois que quelqu’un me la posait, je me disais que je devais être plus
sincère avec moi-même, qu’il fallait que je reconnaisse cette envie qui était
en train d’apparaitre, comme une nouvelle porte dans une cour fermée, qui s’ouvriraient
sur un paysage à explorer. Mais j’avais peu de temps pour écrire. Mon travail m’accaparait
et je consacrais mes vacances à faire avancer mes projets jeunesse.
Puis j’ai arrêté de travailler et le temps m’a envahie. Ce
prétexte que je me donnais pour ne pas faire face a disparu du jour au
lendemain. Alors je m’y suis mise. Cependant, l’écriture longue, la
construction d’un roman me paraissait encore hors de portée. Quand on commence
à nager, on ne se lance pas tout de suite dans la traversée de la Manche !
Alors, sans vraiment l’avoir choisi, j’ai retrouvé le format que j’aime et
dans lequel je me sens parfaitement bien : le récit d’une petite dizaine de
feuillets, façon conte.
En écrivant, j’ai réalisé qu’une petite foule de personnages
m’attendait. Il y avait ce jeune-homme amoureux de son amie d’enfance, cette
dame, Madame Escoffier, élégante sous-directrice aux prises avec une méchante
et stupide rumeur, cet homme revenu dans la maison où son père l’enfermait dans
un placard, cette Elvire passionnée de jardinage, ces jeunes musiciens sur le
point de signer leur premier contrat, Jeanne, cette petite fille qui me ressemble
tant...
Leur vie, leur histoire, existait en moi depuis très
longtemps. Il y a de mon enfance, des souvenirs familiaux, des récits que me
firent mes oncles ou tantes sur leur jeunesse, s’y mêlent certains de mes questionnements
sur l’humain, ce désir d’être aimé, cette envie d’être forte face aux choses,
cette fascination pour ce que certains appellent le destin ou le hasard, pour
le temps qui passe et nous fait ce que nous sommes, pour ce sentiment de
culpabilité, cette obsession du désir de bien faire...
Il y avait donc désormais dix nouvelles.
Mais qu’en faire ? Elles furent refusées par un éditeur
jeunesse. C’est bien normal. Elles dormaient donc dans mon ordinateur jusqu’à
ce qu’un autre éditeur, le plus cher à mon cœur celui-là, puisqu’il s’agit de
Robert, mon amour, ne me propose un jour de les éditer. Car mon homme a créé,
il y a plus de vingt ans, une petite maison d’édition qui publie essentiellement
de la poésie, les éditions du Contentieux.
Et voilà. Comme un cercle qui se
referme, ou plutôt comme une spirale qui s’élève, mon projet est devenu le
nôtre et mon recueil va voir le jour en septembre.
Il va sans dire que nous n’allons pas bénéficier des
compétences logistiques d’un distributeur national ! Mais qu’importe. Je
suis heureuse de savoir que ceux et celles qui apprécient mon écriture vont en
découvrir un nouvel aspect. Il faudra passer commande... mais je vous
expliquerai bientôt comment faire !