Que d'émotions !

 Récemment, j'ai pris conscience d'une chose essentielle. Enfin, quand je dis que j'en ai pris conscience, c'est sans doute exagéré, comme formulation. Ce que je veux dire, c'est que cette réalité que je pressentais, dont je rêvais même, eh bien je l'ai touchée du doigt. Voilà, cela tient en une phrase : ce que j'écris procure des émotions. 

Oui, je sais, ça parait bêta mais même si je m'applique à faire entrer les lecteurs et les lectrices dans la peau de mes personnages, même si je tente de les mettre un peu sur le grill, si je les perds dans des déserts ou des montagnes, si je les mets face à des réalités difficiles, effrayantes ou cocasses, même si cela occupe une part essentielle de ma vie, rares sont les enfants qui ont su l'exprimer de façon claire. Forcément, au fil du temps, j'ai entendu des " ça m'a fait peur" ou " ça m'a donné envie de pleurer", ou des " qu'est ce qu'on a ri!". Mais rares sont les classes qui ont trouvé un terme générique à tout cela. Rares sont celles et ceux qui ont prononcé ou écrit le mot " émotion". 

A la Magdelaine sur Tarn, les classes de CP et de CE1 ( oui, oui, ils ne sont pas grands !) ont lu plusieurs de mes albums et ont tenté de mettre des mots sur ce qu'ils ont ressenti. Cela a donné lieu à la production d'affiches qu'ils m'ont présenté avec beaucoup de ferveur. Quand on parle émotions, on parle de soi, on parle de ce qui se passe lors de la lecture, au plus profond de son être. On parle d'âme, de choix, de lien, d'amour, de tendresse. C'est à la fois fort et doux. et ce qui m'a bouleversée, c'est qu'ils ont posé comme postulat que je l'avais fait exprès. Que c'était voulu. Que ça ne devait rien au hasard. Que c'était mon travail, mon écriture qui les avait amené-e-s là, sur ce terrain aussi fertile qu'inquiétant. 

Que cette expérience en fasse de bons lecteurs, de fines lectrices ! Je le souhaite du fond du coeur ! Que ces émotions découvertes et nommées fassent d'eux, fassent d'elles, des humains empathiques et curieux des autres. Si je pouvais, ne serait-ce qu'un peu, par mes textes, les mener à cela, je n'aurais pas écrit pour rien.








Dans ces classes, les enfants ont tenté d'élucider ce qu'ils appellent " les messages", ce que j'ai essayé de leur dire. Par exemple, concernant les rêves d'Ima. 




Une petite fille de 7 ans prend la parole : 

- Nous avons compris, que dans cet album, votre message est qu'il faut que chacun trouve son chemin. 

J'écoute, un peu tremblante. Je remarque les yeux humides de la maîtresse. 

- Oui, dis-je. Tu m'as bien lue. 

- Alors, j'ai une question à vous poser...

- Je t'écoute.

- Et vous? Avez-vous trouvé votre chemin? 

Je ne me souviens plus vraiment ce que j'ai répondu. J'ai parlé du chemin qui m'avait mené jusqu'à elle. Il y avait dans l'air comme un bonheur partagé. Je n'oublierai jamais cette classe, cette question, cette fillette.

Merci.