Elle s'appelle Ting-Ting...

Il y a longtemps, quand l'écrivais des contes pour Wakou, on m'avait demandé d'écrire une histoire qui traite de la mort d'un animal. De nombreuses familles avaient écrit à la rédaction pour faire part de leur détresse et de leur difficulté face à ce sujet complexe et délicat. J'avais alors écrit un conte "Loïc et les galets de la plage". L'histoire d'un fils de marin dont la chienne, Galette, venait de disparaître. Ce conte m'avait valu un courrier nombreux et émouvant. Depuis, bien sûr, des ombres planaient sur mes histoires. Des absences plus ou moins explicitées. Mais je n’avais jamais évoqué la mort d’un personnage. La douleur, le deuil qui en découlent.
Petit à petit, j'ai ressenti cela comme un refus d'obstacle. On ne peut pas écrire pour les enfants sans aborder ce sujet. Ne nous y trompons pas. Je n'aime pas les livres médicaments. Je n'aime pas aborder un texte par le thème. C'est le personnage, son destin, ses envies, ses rêves qui me guident. Cela fait des années que j'explore les relations familiales. Dans mes textes, les générations se croisent, cohabitent. Les grands-parents sont très présents et montrent le chemin, partagent leur sagesse et leur courage.  Les parents, quant à eux, plus en prise avec la réalité du quotidien, font face aux difficultés, aux choix, au travail. Oui, mais nous savons bien que la vie est parfois ingrate et dure. La maladie, les accidents peuvent frapper une famille. Je cherchais l’occasion, le prétexte et je l’ai trouvé. Dans le film « In the mood for love », un personnage conseille à un autre de dire sa peine dans le creux d’un tronc… 



La parole, le secret confié, le fait qu’il s’agisse d’une tradition chinoise, voilà le petit caillou autour duquel j’allais écrire mon histoire. Il fallait une famille, un deuil, de qui? du père? de la mère? écrire c'est explorer des chemins que, parfois, l'inconscient nous ouvre… 
Et l’écriture de « la poupée de Ting-Ting » a commencé. Des choix « techniques » m’ont posé question pendant de nombreux mois. Ecrire en « je », peut-être… non, finalement, l’esprit de l’enfant m’enfermait trop… j’avais besoin de plus d’ampleur. J’ai opté pour une approche très intime, au plus près du ressenti de l’enfant mais vu de ma hauteur. Cela m’a permis de dresser en filigrane trois portraits de femmes à trois âges de la vie : Ting-Ting, sa mère et sa grand-mère. 






Le travail, le façonnage des poupées, le repiquage du riz, l’entraide, la cuisine donnent un relief quasi ethnologique, social à l’histoire. J’aime que les racines de mes personnages s’enfoncent loin dans une terre, dans une culture. Qu’elles explorent mythologies et cosmogonies. Qu’elles se colorent des paysages, qu’elles soient parfumées des fleurs de ce sol, qu’elles vibrent des animaux qui y vivent. Le dépaysement offre un décalage, un temps indifférencié permet l’universalité. Ce que j’ai dit là, dans ces rizières, j’aurais pu le dire autrement et ailleurs mais Ting-Ting et sa poupée se sont imposées à moi. Je les aime.

L’album, illustré par Régis Lejonc sortira en janvier 2015 aux éditions du Seuil. Je suis sous le charme du regard de cette fillette, si profond, si triste et en même temps si enfantin. La création, le travail éditorial s’est réalisé avec beaucoup de fluidité, de simplicité. Comme une évidence. J’espère que notre histoire saura vous émouvoir.


2 commentaires:

  1. Ce texte est déjà joliment touchant. C'est une belle promesse d'émotions... J'ai hâte de déguster cet album

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    1. Merci Odile! J'espère que cette histoire saura vous émouvoir...

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